Mon Burkina Faso face au Covid-19

Article : Mon Burkina Faso face au Covid-19
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26 mai 2020

Mon Burkina Faso face au Covid-19

Mondoblog lance le projet Mondoblog, unis contre le Covid-19, pour raconter l’évolution et les conséquences de la pandémie de coronavirus du point de vue des Mondoblogueurs sahéliens.


Depuis quelques mois, le monde entier vit au rythme de la pandémie du coronavirus. Apparu en Chine (à Wuhan) en décembre 2019, presque tous les pays du monde sont aujourd’hui touchés par ce virus.

Au début, au Burkina Faso, nous nous contentions d’observer la situation de loin. La vie suivait son cours normal. Personnellement, je ne me sentais pas trop concernée, c’est à peine si je m’attardais sur les articles ou les journaux télévisés qui en parlaient.

Les autres pays africains ne semblaient pas tellement s’y intéresser non plus. Puis l’Egypte a eu son premier cas en février 2020, et là, tous ont commencé à prendre la menace plus au sérieux. Alors que les médias internationaux se faisaient de plus en plus alarmants, dénombrant des milliers de morts à travers le monde, nous avons commencé nous aussi à nous renseigner sur la maladie : Quelles sont les voies de transmission ? Quels sont les symptômes ? Quelles sont les mesures à suivre pour se protéger ? Et surtout quel est le taux de mortalité de ce nouveau virus ?

Dans mon Burkina Faso

Les premier cas de coronavirus au Burkina Faso ont été enregistrés le 9 mars 2020, faisant de mon Burkina le sixième pays atteint en Afrique subsaharienne. Un couple qui venait de rentrer de France après avoir participé à un rassemblement évangélique à Mulhouse a ainsi donné l’opportunité à des milliers de Burkinabè de s’adonner à l’un de leurs passe-temps favoris : Accuser la France de tous les maux de notre pays ! Ah !

Quelques jours plus tard, le 30 mars 2020, l’urgence sanitaire a été décrétée par le Président par décret. D’un coup, la psychose s’est installée dans tout le pays. Le prix des gels hydro alcooliques et des masques ont grimpé en flèche. Les premiers jours, les prix ont même triplé ! Ceux qu’on achetait 1 500 francs, certains les revendaient 5 000 francs. Et puis, nous avons tous appris à nous saluer à la chinoise…

Le gouvernement burkinabè a pris un certain nombre de mesures afin de limiter la propagation de la maladie et aussi de contrôler certains comportements. Par exemple, l’arrêté du Ministère du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat pour réglementer les prix des gels et masques a beaucoup soulagé la population. En revanche, d’autres restrictions, comme le couvre-feu, n’ont pas fait l’unanimité.

Ces mesures impopulaires et l’impression générale selon laquelle notre gouvernement était incapable de faire face à la situation, lui a valu le doux surnom de « Gouverne-Et-Ment Burkinabè », qu’on retrouve sur les réseaux sociaux. Il leur a été reproché, comme à beaucoup d’autres pays africains, une réponse tardive et inadaptée à la crise. Et surtout un copier-coller des mesures prises par les pays européens, sans tenir compte des réalités propres à nos contextes africains.

Capture d’écran du compte Facebook de Naïm Touré, activiste burkinabè

N’empêche, je pense qu’il faut quand même saluer le fait que bons nombres de pays africains comme le Sénégal ont rapidement réagi et de manière drastique afin de prévenir la propagation de la maladie. Ils ont fermé leurs frontières et surtout ils ont mobilisé les cerveaux du pays pour examiner tous les scénarios possibles, et trouver le meilleur plan de riposte. 

Un couvre-feu a été instauré, les rassemblements ont été interdits, les écoles et universités ont été fermées, de même que plusieurs autres endroits publics. Les frontières aériennes et terrestres ont, elles aussi, été fermées. Les villes ayant des cas de malades du coronavirus ont été mises en quarantaine et il a été demandé à tous de rester à la maison, de limiter au maximum les contacts avec l’extérieur, et d’adopter les gestes barrières afin de se protéger et de protéger les autres. 

Prévenir ou se réunir ?

Certaines mesures sont mal passées, les mesures plus décriées ont certainement été la fermeture lieux de culte, et celle des marchés et yaars (mini marché en langue locale mossi). Relevons aussi que la fermeture des maquis et bars n’a pas fait beaucoup d’heureux…

Les musulmans, les chrétiens et les buveurs de bière se sont tous prononcés sur la fermeture de leurs lieux de prière. Certains étaient d’accord, d’autres beaucoup moins. Quant aux animistes et aux adeptes d’autres religions non révélées, ils ne se sont jamais prononcés…

Pour ce qui concerne les marchés et yaars, beaucoup de burkinabè travaillent dans l’informel et vivent au jour le jour. Comment demander à un jeune vendeur de « yougouyougou » (friperie) du grand marché Rood Wooko, père de 3 enfants, de rester cloîtré chez lui alors qu’il gagne sa pitance avec ses ventes de la journée ? Comment va-t-il nourrir sa famille ? Mourir du coronavirus ou mourir de la faim, tel a été le dilemme de beaucoup de Burkinabè

Désordre mondial et réponse nationale

Je crois que tous les pays du monde ont dû faire face à une situation inédite, naviguer à vue face à une maladie inconnue. Chacun a dû s’adapter et prendre des décisions rapides pour protéger ses populations. Néanmoins, je déplore le fait que les décisions prises dans mon pays n’aient pas pris en compte les structures particulières de nos économies, qui ne sont en rien comparables à celles des pays européens. 

A ce niveau, j’ai particulièrement apprécié la riposte du Bénin face à la crise du Covid-19. Pas de couvre-feu, pas de fermeture des marchés, des restaurants et des écoles. Pour le Président Patrice Talon:

“Dans le contexte socio-économique béninois, les mesures de confinement général seraient contre-productives. Elles auraient pour conséquence d’affamer tout le monde à la fois et trop longtemps et seraient en outre, de ce fait, bravées et bafouées sans avoir permis d’atteindre les objectifs”.

Au Bénin, Patrice Talon assume l’impossibilité d’un confinement général, Jeune Afrique, 30 mars 2020.

J’ai aimé cette réaction réaliste et pratique. En gros, les Béninois n’ont pas les moyens de réagir comme les gens des pays européens. Cette stratégie semble fonctionner puisqu’à la date du 23 mai 2020, le Bénin ne recensait au total “que” 191 cas

Au plus fort de la crise, divers sujets ont fait les choux gras de la presse, mais surtout des internautes burkinabè sur les réseaux sociaux… Une interrogation qui est souvent revenue est celle qui concerne le taux de létalité assez élevé au Burkina faso, l’un des plus hauts de la sous-région. A ce jour, il oscille autour de 6.5 %. Il est vrai que mon pays a été l’un des premiers pays africains durement  touché par la pandémie. Mais pourquoi autant de morts ? 

Au Burkina Faso, avec les « combattants » du CHU de Tengandogo, en guerre contre le Covid-19, article Le Monde, 20 avril 2020

Certains activistes et même des spécialistes de la santé décrient les conditions de prise en charge et le monitoring des malades internés aux CHU Tengandogo, centre de référence pour les malades du Covid-19. Manque de matériel, manque de respirateurs, insuffisance de lits pour l’hospitalisation des malades, manque de réactifs pour effectuer des tests rapides… Des images et des articles relatant les conditions de traitement des malades dans le centre, des morts par négligence, ont fait couler beaucoup d’encre et suscité beaucoup de débats.

Où en est mon Burkina Faso ?

A la date du 23 mai 2020, le Burkina Faso compte un total de 841 cas confirmés, 690 guérisons et 52 décès. Les marchés et yaars ont été rouverts le 27 avril 2020 sous la pression de la population, avec la promesse des autorités de mettre ces lieux aux normes de sécurité et surtout de sensibiliser les commerçants. J’ai quand même eu quelques sueurs froides en voyant sur les réseaux sociaux les images de la « Cérémonie de réouverture du grand marché de Ouagadougou».

Oui, vous avez bien lu. Ladite cérémonie a donné lieu à un grand rassemblement avec, comme vedettes, des autorités religieuses et municipales, les commerçants du marché, et même un Ministre. Je n’ai pas trop compris non plus. Mais comme on dit chez nous : « Allons seulement ».

La mise en quarantaine des villes a également été levée, et le port du masque est devenu obligatoire depuis le 27 avril 2020.

Crise sanitaire ou crise de confiance?

Aujourd’hui, on fait face une véritable crise de confiance des populations dans le gouvernement. Avec l’affaire du député Rose Marie Compaoré, certains ne croient même plus en l’existence de la maladie. D’autres affirment que les chiffres ont volontairement été gonflés afin d’attendrir les potentiels bailleurs de fonds et d’engranger de quoi financer les prochaines élections. La gestion de la crise du Covid-19 par le gouvernement est de plus en plus critiquée.

La tendance des contaminations semble être en baisse, et on assiste à un léger relâchement des populations vis à vis des mesures barrières. La vie semble revenir à la normale avec la reprise des cours pour les classes d’examen (initialement prévue pour le lundi 11 mai) programmée pour le 1er juin 2020. Quant aux classes intermédiaires, leur rentrée est repoussée à une date ultérieure.

De nombreux parents se demandent cependant si leurs enfants seront suffisamment en sécurité dans leurs salles de classe.

Et qu’en est-il de la santé des enseignants ? Certains sont fragiles et malades. Je dois dire que je suis personnellement très inquiète pour ma mère qui est Professeur des Lycées. Souffrant de diabète et de tension, elle fait partie des personnes à risque face au Covid-19. J’espère vraiment que toutes les mesures idoines seront prises pour assurer sa sécurité et celle des lycéens qu’elle côtoie plusieurs jours par semaine.

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Commentaires

Traore Amos Joel Yohane
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Très beau billet qui montre comment le pays des hommes intègres fait face avec ses armes à la crise sanitaire. Bravo à l'auteur Madina S pour ce travail impeccable Madina S

Gilles OUEDRAOGO
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Que Dieu bénisse et sauve le Burkina Faso. J'aurais bien aimé avoir ton avis sur le Coronathon. Bon article en somme. Je like

Leo Papy Benam
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Très bon article qui passe en revue la réalité pandémique du COVID-19 depuis le Burkina-Faso

Lucia
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Situation bien détaillée. Effectivement la confiance est perdue entre population et gouverne-et-ment

Alexandre NKEN
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Très bon Article, un résumé global de la situation COVID dans le monde et particulièrement au Burkina Faso.
Je me suis mis à jour en un clic.

Merci Madina S
Félicitation pour le blog

Oubda Hafisou
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Excellent résumé et surtout Bravo pour ce blog a ingénieux de votre part....Merci.